Le projet est une initiative des Ceméa (Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active) en partenariat avec quelques autres associations dont Framasoft (un réseau d’éducation populaire consacré principalement au logiciel libre) et Solidar (un réseau européen d’ONG travaillant pour faire avancer la justice sociale).
Qui sont les Ceméa ?
Les **C**entres d’**E**ntraînement aux **M**éthodes d’**É**ducation **A**ctive sont nés avec l’apparition des congés payés en France en 1936. S’appuyant sur les principes de l’Éducation nouvelle développés depuis le début du 20^e^ siècle, ils ont ensuite essaimé un peu partout en Europe, en Afrique et jusqu’en Haïti. Dans les premiers temps, il s’agissait d’un organisme de formation pour les animateur
rice s de séjours et de plaines de vacances pour enfants et jeunes. Dans la plupart des associations Ceméa dans le monde, cet objet originel reste présent, mais l’association développe de la formation pour l’ensemble des personnes soucieuses d’éducation, qu’elles soient professionnelles ou non. Les Ceméa sont donc actifs dans la réflexion sur l’école, la petite enfance, le secteur de la santé mentale ou de l’accueil extrascolaire… entre autres.Naissance du projet Echo Network
Alors que les Ceméa s’étaient peu intéressés au numérique jusque-là, entre 2010 et 2018, trois associations nationales (France, Italie, Belgique) se sont dotées d’une mission autour de l’usage du numérique. Ces nouvelles préoccupations ne sont pas nées d’une opportunité d’action, mais bien d’un constat : dans tous nos terrains d’action, de la petite enfance à l’école secondaire en passant par la réflexion sur la santé mentale ou celle de l’éducation à l’égalité des genres, le numérique s’insinue, se glisse tel un serpent discret. Dans chacun de ces espaces, des questions se posent quant aux opportunités, aux méfaits ou aux dérives induits par le numérique qui s’impose à nous.
En 2019, l’idée a germé entre les « Missions numériques » des Ceméa français, italiens et belges, d’organiser à Bari une rencontre de la Fédération internationale des Ceméa, pour y partager nos réflexions, nos outils de formation, nos questionnements sur l’usage du numérique en éducation. Cette rencontre, prévue en mai 2020, n’a, comme vous vous en doutez, pas pu avoir lieu à cause de la pandémie de Covid-19. Le confinement a permis de se voir à distance et de lancer une organisation un peu plus ambitieuse en y faisant adhérer d’autres partenaires extérieurs (mais bien proches) des Ceméa.
Les partenaires
Les Ceméa France collaborent depuis plusieurs années avec Framasoft. Cette association libriste Libriste Personne attachée aux valeurs, culture et usages associés aux logiciels libres. Ces personnes peuvent participer à leur promotion, leur fabrication, leur diffusion, à l’assistance des utilisateurices ou simplement les utiliser. apporte toute sa maîtrise du logiciel libre et son habitude à mener campagne. Framasoft s’appuie sur l’expérience des Ceméa France pour ce qui concerne l’éducation populaire. Cette collaboration de longue date ne pouvait donc que venir renforcer le projet Echo Network.
Il fallait aussi à ce projet un partenaire plus institutionnel, défendant des idées proches mais ayant aussi l’attention d’une oreille plus politique au sein des institutions européennes. Les Ceméa France avaient déjà collaboré étroitement et à plusieurs reprises avec l’association Solidar, notamment dans le cadre des Biennales de l’Éducation nouvelle. C’est donc tout naturellement que Solidar s’est joint au projet. Ce nouveau partenaire en a entrainé d’autres : Willi Eichler Academy, association berlinoise et le Center Peace for Studies de Croatie.
Il restait à définir ce que nous allions faire ensemble autour d’une volonté de défendre l’usage d’un numérique libre, éthique et critique…
Un projet pour quels objectifs ?
Il nous est tout d’abord apparu que si les Gafam Gafam Acronyme reprenant les initiales des multinationales géantes du web (Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft). Le terme évoque par extension les problèmes politiques que posent ces compagnies : monopoles économiques, grandes fortunes des dirigeant e s et précarité des conditions de travail des employé e s les moins qualifié e s, omniprésence de leurs outils, rétention et exploitation des données personnelles, surveillance, capacité d’influence des décisions politiques et domination complète de la société numérique des câbles physiques aux contenus, des programmes aux appareils. et autres géants du numérique travaillent au niveau planétaire, notre travail se fait principalement au niveau local, voire parfois dans le quartier proche. Dès lors, pouvoir nous parler, échanger, partager des outils de formation, nous permet de prendre de la distance, de mieux appréhender l’influence de l’outil numérique sur l’ensemble des espaces d’éducation. Il est très vite apparu, lors de notre première rencontre en décembre 2021, que partager nos actions locales dans ces échanges européens pourrait nourrir chacun e d’entre nous, en tant qu’association et en tant que personne, et créer peu à peu un réseau fort et large, dans l’idée d’adresser un enjeu global en élargissant nos actions nationales, et en créant des liens de coopération à l’échelle européenne puis internationale.
Un deuxième objectif de travail a émergé de nos discussions : s’outiller dans le domaine du numérique et des nouvelles technologies par des alternatives éthiques et respectueuses de l’environnement, par l’utilisation de logiciels libres Logiciels libres Les logiciels libres laissent la liberté aux utilisateurices d’utiliser le programme, mais aussi de le copier et le distribuer. Les utilisateurices ont aussi le droit et la liberté d’en étudier le fonctionnement, de l’adapter à leurs besoins et de partager leurs modifications. On les appelle ainsi en opposition aux logiciels dits propriétaires, qui ne peuvent être partagés, modifiés ou utilisés à d’autres fins que celles strictement prévues par les concepteurices. On les différencie aussi des logiciels open source dont le code est lui aussi accessible, mais moins pour assurer des libertés fondamentales aux utilisateurices que pour en faciliter le développement. et la sobriété numérique.
Dans un troisième temps, il nous a semblé nécessaire de développer des connaissances sur les politiques européennes en matière de droits et libertés numériques, pour les interroger au vu de ce que nous pouvons entendre de nos participant
e s lors de formations autour du numérique. Et pour construire ensemble un plaidoyer en faveur d’une transition numérique éthique et durable.Des temps de travail
Pour mettre en œuvre ces différents objectifs, nous nous sommes donné cinq temps de rencontre en 2023 et deux temps de finalisation d’un écrit à destination des autorités européennes prévus en 2024.
La première rencontre a donc eu lieu en janvier 2023 et a rassemblé une cinquantaine de participant
e s à Paris, venu e s des six pays partenaires : acteur rice s de l’éducation, du secteur de la jeunesse, du numérique, avec notamment la présence de membres des Chatons (Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires), mais aussi d’ONG de justice sociale. Il s’agissait du séminaire d’ouverture du projet qui a permis la rencontre des participant e s et les premiers échanges quant aux outils et aux principes éthiques qui dirigent nos actions autour du numérique, ainsi que l’exploration de pratiques d’éducation populaire, permanente, active dirons-nous aux Ceméa, pour aborder les enjeux politiques du numérique.La deuxième rencontre et première visite d’étude se déroulera à Berlin à la fin du mois de mars et se focalisera sur l’usage des réseaux sociaux centralisés chez les jeunes. La question à débattre sera de les envisager en tant qu’outils d’émancipation ou d’aliénation ? Mais aussi de discuter leur place dans la politique.
Le troisième temps prendra place à Bruxelles. Il proposera de se pencher sur les pratiques d’Éducation nouvelle pour sensibiliser aux outils éthiques.
Septembre 2023 sera l’occasion d’un voyage d’étude à Bari en Italie, pour parler de présentiel et de distanciel, ainsi que des aspects écologiques liés à nos usages du numérique.
Nous clôturerons les visites d’étude à Zagreb et l’année 2023 en nous penchant sur l’inclusivité et l’accessibilité au numérique pour tous et toutes.
Deux temps sont encore prévus en 2024, tous deux à Bruxelles pour permettre la rédaction et la finalisation des productions écrites qui résulteront de l’ensemble du processus.
En guise de mise en bouche
Le projet n’en est encore qu’à ses prémices. Nous vous proposons donc quelques retours du séminaire d’ouverture qui s’est déroulé à Paris. S’y sont retrouvé
e s des membres des trois associations Ceméa, des autres partenaires, de Framasoft, mais aussi d’autres personnes invité e s.Le travail s’est déroulé en quatre temps :
* Nous avons, tout d’abord, vécu plusieurs activités de rencontre des personnes, mais aussi des associations qu’elles représentaient.
* Le deuxième temps a été consacré à la thématique « Éthique du numérique et valeurs associatives ». Nous y avons exploré l’outil des Métacartes du numérique éthique, expérimenté le débat mouvant, analysé quelques sites…
* Puis, nous avons glissé sur le sujet des communs, de la décentralisation d’un outil — une thématique chère à Framasoft qui a révélé que l’architecture d’un outil est forcément politique. Nous y avons eu une réflexion autour des conditions d’utilisation, en inventant celles d’un réseau social fictif et en comparant celles d’instances de différents outils…
* La quatrième thématique nous a amené e s à questionner le « prendre soin » et la convivialité du net. Nous avons donc parlé de la modération des réseaux sociaux, de la convivialité des espaces « virtuels », de la manière de pouvoir « prendre soin » de l’autre à distance.
* Le dernier chapitre de cette première rencontre s’est centré sur la sobriété numérique et le *low tech*. Nous y avons par exemple expérimenté un outil de l’association Picasoft autour du smartphone que nous accepterions d’utiliser pour qu’il soit un *life-phone*, c’est-à-dire qu’il ne doive jamais être remplacé.
Echo Network a donc entamé son parcours de deux années de rencontres et d’échanges entre acteur
rice s européen ne s pour une défense d’un numérique plus éthique, plus libre, plus respectueux des valeurs démocratiques et… plus critique d’un numérique qui nous enferme.À suivre…