« Toute la journée, je ne touche pas le téléphone. Le soir, quand je fais rien, ou le week-end, quand je fais rien, je passe ma vie sur TikTok et je scrolle » me raconte Pierre.
Au cours d’entretiens d’une à deux heures, j’ai interrogé : un oncle, mon grand frère, un petit frère et une amie de famille. Circonscrite au cadre familial, l’enquête est l’occasion de documenter comment se façonnent des relations aux outils numériques au sein d’un espace social commun.
Pierre : mécanique plutôt que numérique
Avec Pierre nous sommes attablés derrière la maison. C’est la fin de l’été, il a quinze ans – il est déjà bonhomme, il me dépasse en taille, ses épaules sont larges. On commence. Il s’allume une cigarette et tire dessus, d’autres suivront. Il accompagne ses réponses par une série de poses, ses grandes mains pointent vers ici où là : là-bas, la carrière dans laquelle il travaille – là, les sangliers qui dans le noir, à vingt mètres, croquent des prunes au pied d’un arbre.
Il est apprenti dans une entreprise de travaux publics – « Je suis conducteur de pelles et de brouettes » pour le moment il les « conduit » – et tient à préciser qu’il n’est pas « chauffeur » : « Tu peux savoir très bien utiliser une pelle, la déplacer, creuser un trou et la re-garer. Mais demain, le patron te dit, il faut terrasser ça, tu mets ça à moins cinq, tu fais un canal en pente… ». Chauffeur, c’est un métier. Creuser un trou, il sait faire, mais mettre de niveau, faire un terrassement, pas encore. Félix, son frère jumeau, travaille comme apprenti dans un garage de camions poids lourd – chez les hommes de la famille, le champ des techniques manuelles comme la mécanique ou le bricolage est largement investi et valorisé, tant dans le domaine professionnel que familial, où il occupe la plupart des discussions.
Pierre fait commencer sa relation au numérique avec les consoles – la Wii, la Nintendo 2DS puis la PS4, sur laquelle, pendant un bon millier d’heures, il a joué à travailler dans Farming Simulator. Mais maintenant qu’il travaille plus de quarante heures par semaine, il n’y joue plus. Il est équipé depuis ses douze ans d’un smartphone. Comme il l’explique, en comptant TikTok, il n’utilise qu’une poignée d’applications :
« Moi, j’utilise pas beaucoup mon téléphone, je vais pas forcément sur des forums. Je joue pas aux jeux vidéos dessus. Et… après, franchement, j’ai deux applications qui marchent dessus. J’utilise le réveil après… Et un peu Instagram, de temps en temps. Je parle aux copains sur Snapchat, par messages. Mais après, sinon, toute la journée, il me sert juste de temps en temps s’il y a quelqu’un qui m’appelle. Sinon, il faut juste qu’il survive un peu aux chantiers. ».
Avant même d’avoir un smartphone, Pierre et son frère jumeau ont chacun reçu à leur dix ans un petit ordinateur portable à l’écran tactile – « On regardait des vidéos de moto, des vidéos de tracteur. Et après, on faisait pas grand-chose de plus. » L’objet, petit et fragile, a vite été hors d’usage – il n’a révélé chez eux que peu d’appétence pour l’informatique.
Dans l’enseignement secondaire, l’apprentissage du numérique n’est encore que peu enseigné. En France, il s’est matérialisé à travers Pix, une plateforme en ligne d’apprentissage et d’évaluation des compétences numériques (voir Pix : une plateforme unique pour évaluer ses compétences numériques en FWB). Au collège, Pierre y a eu affaire et décrit l’application comme « un truc que tu devais vraiment faire sérieusement, qui faisait partie des cours où tu allais dans une salle informatique. C’était pour savoir vraiment bien utiliser un ordinateur, je crois. C’était pour savoir créer des adresses mail, des questions sur la sécurité de ton adresse mail, des mots de passe, de tout ». Pourtant, malgré les heures passées devant Pix, certains aspects du numérique ne sont pas encore des évidences pour Pierre : « Ça n’a pas un côté récréatif pour moi. C’est plus comme un devoir. Et je pense que c’est sûr qu’il faudra que j’apprenne un jour parce qu’il faudra déclarer ses impôts, puis ça va continuer. Puis, professionnellement, il faudra le faire. »
Gabriel : attrait précoce et bidouillage
Pierre et son grand frère Gabriel ont dix ans d’écart. Tous deux ont grandi sous le même toit et partagé les mêmes conditions matérielles. À la différence de Pierre, Gabriel a manifesté, dès l’enfance, un intérêt pour l’informatique. Il a aujourd’hui vingt-sept ans et, depuis quelques mois, il a lancé son activité de travaux de petite maçonnerie – pour lui prêter main forte, je l’accompagne deux jours sur un chantier. La discussion est l’occasion de recouper nos souvenirs partagés et l’on tente de retracer ensemble une généalogie de nos connaissances.
Il y a d’abord eu cet ordinateur déclassé qui tournait sous Windows
Systèmes d’exploitation
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Operating System
iOS
Android
Windows
Linux
macOS
Un système d’exploitation consiste en un logiciel qui permet à une machine d’exécuter d’autres logiciels. Windows, macOS ou Linux sont des systèmes d’exploitation pour les ordinateurs. iOS et Android sont des systèmes d’exploitation utilisés par les smartphones.
95. Il n’y avait pas encore internet, mais il y avait l’encyclopédie Encarta – d’où seront tirés des exposés sur l’ornithorynque et la baleine à bosse. Puis, en 2005, débarque Internet, Gabriel a neuf ans. « Pour la maîtrise en elle-même de l’ordinateur, pour moi, ça a été le jeu vidéo, ou les films. Bref, c’est surtout au travers d’internet. Tu vas davantage aller chercher le jeu, le télécharger, et chercher à voir comment ça fonctionne. On se renseigne sur Internet, pour voir si c’est possible de jouer gratuitement ? Tu tombes sur des forums où il y a des mecs qui expliquent un peu que tu pourrais cracker des jeux et tout. Je sais pas quels films on regardait à l’époque, mais t’as toujours des films où t’as un informaticien qui fait des trucs un peu obscurs avec un ordinateur. Est-ce que je pourrais pas faire un petit peu de ça aussi ? ». L’arrivée d’internet est l’occasion d’accéder aux jeux vidéo, aux films et la musique à peu de frais.
Aucun des deux parents n’est familier avec l’informatique, seule leur mère, secrétaire de mairie, travaille avec un ordinateur – mais ses connaissances sont circonscrites aux besoins de son travail. En dehors des quelques séances d’informatique à l’école, Gabriel se familiarise avec la machine de manière autonome. Des membres de la famille, extérieures au foyer viennent ponctuellement apporter leur aide pour remplacer un disque dur ou encore ré-installer le système après l’infection d’un virus. « C’est plus en bidouillant finalement qu’on a appris à utiliser les trucs, parce qu’on en avait besoin. Enfin, surtout on avait envie de faire un truc avec. Mais jusqu’à ce qu’Internet arrive, pour moi, en tout cas, l’utilisation des ordinateurs, ça se limitait à du traitement de texte à l’école. Je me souviens pas vraiment le nombre d’heures qu’on avait d’informatique à l’école, mais c’était pas énorme. Et après, on utilisait aussi Paint. On faisait pas grand-chose de plus sur les ordis. »
À domicile, l’apprentissage empirique est l’occasion de se frotter aux limites matérielles de la machine, à sa fragilité. Cette connaissance est davantage relationnelle qu’experte – un bruit anormal, une erreur de lecture de disque ou de démarrage trouve par exemple sa résolution par une série de claques plus ou moins mesurées sur le boîtier. L’impuissance face à des problèmes techniques comme l’instabilité de la connexion internet par satellite donne lieu à des manipulations empiriques, des débranchements et rallumages répétés dans une combinaison d’efforts quasi superstitieuse. Cette approche sensible, matérielle, des problèmes est privilégiée à l’approche logicielle qui nécessite un autre registre de connaissance.
L’aspect logiciel est toutefois exploré à l’occasion de l’installation capricieuse d’un jeu vidéo piraté. Le problème est parfois résolu par la découverte sur un forum de la version modifiée de fichiers publiée par un inconnu. Ce type de manipulation, de détour, est l’occasion de circuler dans l’arborescence des fichiers. Ces ajouts, ces modifications se font sans compréhension claire de ce qui est à l’œuvre et avec peu d’égard quant aux risques de sécurité – l’important est que le jeu se lance. C’est la nécessité qui motive l’élaboration de ces stratégies précaires : les erreurs sont des entraves qu’il faut sans cesse négocier. L’exploration reste circonscrite à faire en sorte que les choses fonctionnent – jusqu’à la prochaine panne.
L’interaction avec la machine est aussi corporelle, les moments de jeux mobilisent la coordination des mains sur le clavier et la souris ce qui le familiarise avec les dispositions des touches sur le clavier. Les actions doivent pouvoir être exécutées « à l’aveugle » et avec dextérité. Maîtriser la frappe au clavier tout en regardant l’écran est une aptitude qui distingue bien souvent le
a novice de l’initié e.Éprouver la machine ?
Dans le cas de Gabriel, l’accès à un ordinateur à domicile a permis d’éprouver la machine sur un temps long. C’est dans ce contexte – cette qualité d’accès – qu’un ensemble d’attitudes, de stratégies vis-à-vis de la machine ont pu émerger. Le jeu vidéo n’a sans doute pas été l’unique moteur de cet apprentissage, mais il est rétrospectivement le plus saillant.
Pour ses petits frères, la réunion de la nécessité et de la technique ne s’est pas exprimée dans l’informatique mais dans la mécanique. Bien qu’ayant partagé le même espace et disposé des mêmes ressources matérielles – leur expérience de l’espace rural n’a pas été la même. Quand Gabriel trouve dans Dofus – un jeu de rôle en ligne (MMORPG) – un endroit dans lequel sociabiliser, Pierre et son frère jumeau Félix trouvent dans la pratique du vélo puis de la moto des occasions pour tisser du lien avec d’autres enfants du village.
Les trajectoires de Pierre et Gabriel ne démarrent pas au même endroit. En dix ans, le paysage technique et culturel s’est transformé. Si la relation au numérique de Gabriel s’est tissée dans les années 2010 autour de la fragilité – matériel vieillissant, mauvaise connexion à internet – ce contexte l’a incité à pratiquer la machine. Quand s’engage la relation de Pierre au numérique, le contexte technique a bien changé : le moyen d’accès privilégié à Internet n’est plus l’ordinateur mais le smartphone. Ainsi, l’observation des trajectoires des deux frères révèle que différentes évolutions techniques conduisent à l’émergence et l’amplification de différentes pratiques. Si pour Gabriel l’accès à Internet se fait d’abord depuis un poste partagé, le smartphone permet un accès individuel et portatif. La connexion haut débit n’entrave plus la lecture du contenu – à cela s’ajoute l’arrivée des plateformes qui facilitent l’accès aux films et à la musique.
D’une certaine manière, dans la relation engagée par Pierre avec son smartphone, la technique ne semble pas être un sujet – l’objet s’efforce d’ailleurs de faire oublier sa dimension matérielle. De même, la relation n’est pas articulée autour de l’objet technique en lui-même, mais par l’usage quasi exclusif des réseaux sociaux, TikTok et Snaptchat. Même si l’usage de ces applications n’est pas pour autant dénué d’invention et de critique au regard du caractère invasif des applications, des algorithmes et du temps passé à « scroller ».
L’informatique comme apprentissage professionnel
Jusqu’ici l’enquête s’est attardée à mettre en regard le parcours de deux frères, qui, au sein d’un même foyer, ont façonné des rapports différents au numérique auquel ils ont eu accès dès l’enfance. Notre oncle Pradial et Jeanine, une amie de la famille, ont quant à elle
ux abordé le numérique dans un cadre professionnel, à un tout autre moment de leur vie.En 1992, Pradial a quarante ans lorsqu’il est embauché comme agent technique au sein du laboratoire de galénique de l’Université de Pharmacie de Montpellier. Avant ça, il avait été tour à tour chauffeur routier, ouvrier dans des usines et des ateliers, des postes dans lesquels il n’avait jamais eu affaire à un ordinateur.
Pradial : une formation sur le tas
En tant qu’agent technique, Pradial assure diverses tâches de manière plus ou moins informelle et effectue, entre autres, l’entretien des machines du laboratoire, les prépare et enseigne aux étudiantWindows
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Un système d’exploitation consiste en un logiciel qui permet à une machine d’exécuter d’autres logiciels. Windows, macOS ou Linux sont des systèmes d’exploitation pour les ordinateurs. iOS et Android sont des systèmes d’exploitation utilisés par les smartphones.
, Word, Excel, les trucs de base. Mais les étudiants n’avaient jamais vu ça. La plupart ne savaient pas l’utiliser. Donc, on leur apprenait à récupérer une image, la copier, enregistrer sous, etc. ». Il n’y a alors pas encore de personnel dédié à l’informatique. Les compétences développées par certain es universitaires sont donc mises à profit – par exemple, c’est un maître de conférence, auteur d’une thèse et d’un programme de traitement statistique des vins, qui met en place les serveurs de courrier et de stockage.
Pour ce travail, Pradial n’a jamais reçu de formation à proprement parler. Comme il l’explique : « J’ai demandé des formations, mais on les a refusées. Parce qu’on considérait que mon poste ne correspondait pas. J’ai fait pas mal de trucs liés à l’informatique, même si mon grade ne permettait pas de le faire – et pourtant je l’ai fait pendant des années. »
Sans être formé pour ce poste, Pradial hérite toutefois de son expérience tant personnelle que professionnelle et d’une attention particulière à l’égard de la technique. Il appréhende sans trop de difficulté la mécanique des machines du laboratoire ou, comme il le raconte, le fonctionnement d’un ordinateur : « Quand tu avais vu le fonctionnement d’un ordinateur, après, c’était banal. Je m’amusais d’ailleurs : j’avais une carte mère qui était posée sur le bureau. Je branchais les câbles sur le bureau, je mettais les éléments, et ça sortait sur l’écran. Ce n’était plus une boîte mystérieuse. Tu voyais que c’était tout simple. Tu voyais les éléments, les câbles qui raccordaient les disques durs. Les gens s’imaginaient que c’était inaccessible, mais une fois la boîte ouverte, c’était que dalle quoi. C’est comme un petit moteur, finalement. »
Vers 1997, il ramène du laboratoire un ordinateur déclassé chez lui – peu de temps après, cinq postes sont achetés pour équiper parents et enfants. Cette année-là, 20,7 % des foyers français disposent d’un ordinateur. C’est un de ses fils qui lui fait découvrir les salons de tchat IRC. Pradial s’intéresse alors à l’ordinateur comme outil de communication : « Je me suis intéressé à deux choses, je me suis d’abord inscrit sur un tchat de philosophie. Je ne suis pas resté. Je me suis disputé tout de suite. Et à un tchat de généalogie. Mais ça ne m’intéressait pas du tout, la généalogie. Mais les mecs étaient sympas. Donc, je participais. » Internet est l’occasion pour lui de sociabiliser avec des personnes extérieures à son milieu social et géographique – certain
es sont depuis devenu es des ami es. Aujourd’hui retraité, il pratique activement la généalogie.Jeanine : l’ordinateur imposé
Jeanine m’accueille autour de la table de son petit salon sur laquelle trône une corbeille de faux fruits. Pendant trente-deux ans, elle a été l’unique secrétaire de mairie du village et a aujourd’hui 85 ans. Avant d’entrer à la mairie, Jeanine travaillait avec son père à la vigne. Sa mère, jusqu’à son mariage, était secrétaire de mairie dans un village voisin. C’est en 1996, cinq ans avant sa retraite, que plusieurs mairies se regroupent pour acheter en lot des ordinateurs. Les administrations publiques tout comme les entreprises s’équipent à cette époque en matériel informatique – les mairies des villes de dix à trente-mille habitant
es sont en moyenne équipées de soixante-deux ordinateurs en 1998.Pour appréhender ces nouveaux outils, les secrétaires des différentes mairies sont réunies dans la salle communale de son village pour deux jours de formation. Ces deux journées ne seront pas suffisantes pour que Jeanine soit à l’aise avec ce nouvel outil : son usage reste source d’angoisse. Elle double d’ailleurs à la main, sur papier, tout le travail qu’elle fait sur l’ordinateur. « La nuit, ça me chamaillait tellement. Je disais, on s’en tirera demain. Alors, quand je l’allumais le matin, je lui disais : bon, on va s’entendre tous les deux. J’ai parlé à cet ordinateur, tellement… C’était ma bête noire. »
Bien qu’elle ait été secrétaire de mairie pendant trente années, elle n’a pas a été formée à ce métier – pas même à la frappe dactylographique. Elle l’a appris à travers une sorte de compagnonnage dans les administrations environnantes. Si l’entourage familial et professionnel l’auront accompagnée dans son apprentissage, elle paiera néanmoins de sa poche un certain Cadilhac pour qu’il lui vienne en aide avec l’ordinateur. Ce dernier lui crée une série de modèles, sur base desquels elle peut travailler.
Si, pour Pradial, la découverte de l’informatique est amorcée dans un contexte propice à un apprentissage de pair à pair, Jeanine est au contraire isolée puisqu’elle est la seule secrétaire de mairie du village. Le nouvel outil lui est imposé alors qu’elle est en fin de carrière, ce qui vient compliquer un travail qu’elle maîtrisait jusqu’alors. Depuis 2001, l’année de sa retraite, elle n’a plus touché à un ordinateur. Sa vie est au village et le contexte social et affectif ne l’a pas incité à mobiliser le numérique pour entretenir ses relations.
Smartphone ou ordinateur ? Entre usage et appropriation de la machine
D’après le Baromètre de l’inclusion belge 2022, pour les plus jeunes le smartphone est la porte d’entrée vers le numérique et l’accès à Internet – il est d’abord investi comme outil de sociabilisation et de divertissement. C’est parmi les populations qui ne possèdent que le smartphone qu’on retrouve le niveau de compétence le plus bas. Le déficit de compétences n’est pas seulement à mettre sur le compte de l’outil, du dispositif : il est avant tout social. L’équipement et les compétences vont de pair, et c’est parmi les populations les plus modestes et peu diplômées qu’on retrouve des situations de mono-équipement.
C’est par l’entremise du personnal computer (PC) que le numérique s’immisce dans les foyers au tournant des années 2000. Depuis, le smartphone est devenu le moyen d’accès privilégié pour aller sur Internet. Si l’enquête a gravité autour de la dualité ordinateur–smartphone, c’est qu’ils ont tour à tour été les ambassadeurs du numérique dans l’espace domestique.
Historiquement, l’ordinateur est un espace de production et de reproduction – c’est la workstation, la station de travail. Dans l’ordinateur, il y a le « possible » de la reproduction. À la différence du smartphone, lui aussi un ordinateur, mais dont l’enveloppe matérielle, logicielle forme un autre dispositif – ses organes sont rentrés à la surface de l’écran et par là, il fait faire autre chose.
La miniaturisation matérielle tout comme l’interface logicielle opacifient le fonctionnement de l’appareil, et par là laissent peu d’espace aux utilisateur
ices pour le comprendre ou le modifier. La relation avec la machine devient lissée, il n’y a pas de frottement, pas de prise. C’est à présent par l’entremise de ce very-personnal-computer que commence pour beaucoup leur relation au numérique.